Entretien avec Gustave Akakpo, dramaturge togolais résidant en France

« Si j’avais eu le choix de rester au Togo, je serais resté »

Artiste togolais de la diaspora, Gustave Akakpo est comédien, dramaturge et metteur en scène établi en France depuis 07 ans. Il parle de sa rencontre avec l’art et son statut de togolais de la diaspora. Interview.

Comment êtes-vous donc arrivé au théâtre ?

Le théâtre plutôt est venu à moi dans les années 90 au Togo où c’était les mouvements de révolte populaire contre la dictature d’Eyadéma. A cette époque, l’un des leaders d’opinion s’appelait Kossi Efoui qui était à la fois étudiant et dramaturge. Il faisait du Théâtre clandestin, du théâtre qui ne se joue pas dans un lieu officiel. Au départ, on ne peut aller gueuler ce qu’on a dans le ventre contre Eyadéma au vu et au su de tout le monde. Du coup, le théâtre, pour moi qui avais 16 ans à l’époque, était le lieu de la parole. Je suis né dans une dictature. J’ai grandi en voyant la tête d’Eyadéma, en pensant Eyadéma. Eyadéma était l’alpha et l’oméga. Et puis tout d’un coup, le théâtre est devenu le lieu où on pouvait exposer toute l’angoisse qu’on vivait. Le théâtre est devenu le lieu où on pouvait dire autre chose. Du coup, je comprends que le théâtre est le lieu de l’absolue liberté, le lieu où on respire un grand bol d’oxygène.

Et comme cela, Gustave aussi a mordu à l’art.

Impressionné par le travail de Kossi Efui tout comme celui de Sony Labou Tansi aussi, j’ai eu envie d’écrire. C’est comme cela que le théâtre m’a rattrapé. J’ai commencé par écrire des histoires avec des personnages qui sont des Togolais qui ne parlaient pas forcément français, mais il fallait quand même écrire en français. D’où la nécessité pour moi d’inventer une langue qui leur soit propre. Je trouvais cette démarche là aussi au niveau de Sony Labou Tansi et je me suis senti une parenté avec lui. Je suis entré en France depuis 2005 où je m’occupe du Comité de lecture du Tarmac de la Villette. C’est le seul théâtre en France qui est mis sur l’espace francophone, hors hexagone y compris toute l’Afrique francophone, Québec, Dom-tom, etc.

Quand un artiste togolais commence par émerger, il prend le chemin de l’Europe. C’est votre cas mais également celui de Kossi Efui, Rodrigue Norman, Kangni Alem et d’autres. Pourquoi cet état de chose ?

Nous avons quitté le pays pour différentes raisons ! Kossi Efui est parti parce qu’il était menacé de mort. Moi, en 2005, j’étais en France quand le fils d’Eyadéma a pris le pouvoir. A l’époque, tous ceux qui étaient des leaders d’opinion ont été arrêtés. Dirigeant un mouvement de jeune qui ne partage pas les idéaux du pouvoir, j’ai dû prolonger mon séjour par mesure de prudence. Mais entre temps, j’ai commencé par travailler en France. Ce qui justifie mon établissement dans le pays. Rodrigue Norman, par contre, a essayé de rentrer pour créer une école de formation de comédiens. Il a tenu deux ans sur fonds propre. Malheureusement, les aides n’ont pas suivi. Désespéré, il a dû retourner en France. Il ne pouvait pas faire durer l’aventure très longtemps.

Quel est alors la contribution du Théâtre au développement du Togo de 1960 à 2010 ?

Je ne sais pas si c’est le rôle du théâtre d’apporter quelque chose au développement. J’ai la prétention de croire qu’il y a une évidence de la place du théâtre dans notre société. On ne le voit toujours peut-être pas chaque jour, mais nous sommes tous quelque part des comédiens. La vie elle-même est un grand théâtre. Je suis un peu déranger quand on veut assigner au théâtre un rôle donné. Cela ne veut pas dire que le théâtre ne joue pas de rôle, mais ce n’est pas sa fonction première. A vouloir le faire, on glisse facilement vers la propagande. J’estime, pour ma part, que j’écris du théâtre pour poser des questions. Le théâtre joue donc un rôle de miroir.

Propos recueillis par Fortuné SOSSA

Comments

[herbst]

Gustave AKAKPO a-t-il l'intention de présenter son spectacle chiche l'Afrique en région Rhône -alpes en 2012-2013 ? Merci de lui transmettre.

cordialment,

Myriam HERBST