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21 janvier 2011

Interview à Yacouba Konaté, président de l’Aica

Interview à Yacouba Konaté, président de l’Aica « L’art contemporain d’aujourd’hui sera l’art traditionnel de demain » Président de l’Association internationale des critiques d’art (Aica), Yacouba Konaté est une référence sur le continent africain et dans le monde. De nationalité ivoirienne, il est universitaire avec, à son actif, plusieurs publications livresques sur l’art plastique et des artistes. Dans une interview qu’il nous a accordée, il donne des clarifications sur son association, la notion d’art et les techniques pour réussir une critique d’art. Propos recueillis par Fortuné Sossa Comment devient-on critique d’art ? On devient critique d’art en s’intéressant aux arts et en apprenant à s’exprimer là-dessus, en veillant à communiquer cette passion au public de spécialistes et au grand public. Mais on ne se proclame pas critique d’art dans l’Aica parce que c’est une reconnaissance par les paires. Ce sont des personnes qui sont déjà reconnues comme critiques qui finalement accordent la distinction ou la reconnaissance des critiques d’arts. C’est pour cela que l’association me semble être un canevas où on peut ensemble essayer d’élargir le cercle des personnes qui s’intéressent et qui vont valoriser ce qu’il y a de bien dans le travail des artistes. En tant qu’africain, vous a-t-il été facile de gagner la présidence de l’Aica, une association mondiale ? C’est une longue course parce que je suis membre de cette association depuis une dizaine d’années. Et puis le président sortant ne pouvait postuler parce qu’on peut se présenter deux fois et non trois. Alors, quelques personnes m’ont dit que ce ne serait pas une mauvaise idée d’essayer d’être président. C’était un peut difficile parce qu’au moment où j’allais, il n’y avait pas un seul africain qui était membre de cette association. Je me suis retrouvé plusieurs fois à des congrès, des réunions où j’étais juste le seul noir. Donc, c’était pour moi un peu difficile mais je pense que c’est important de le dire: je suis africain, mais ce ne sont pas des africains qui m’ont élu. J’ai été élu avec des voix venues des Etats-Unis, de la France, de l’Allemagne et des pays de l’Amérique Latine qui m’ont beaucoup supporté aussi. C’est une élection qui n’a pas été facile. Nous avons dû faire quatre tours et puis au finish, j’étais contre une polonaise. Au départ il y avait un irlandais et une anglaise. C’est la confiance des gens qu’on acquiert petit à petit en allant aux réunions et aux congrès. Vous avez été quelques fois commissaire d’exposition. Mieux, vous organisez vous même des expositions. Pensez-vous qu’il existe véritablement un art africain contemporain ou c’est tout juste des reprises de l’art occidental ? La notion d’identité est une notion délicate. Il faut considérer qu’elle peut être un bien ou un mal. Mais d’une manière ou d’une autre, on ne peut pas empêcher que les gens disent de soi qu’on est africain, même si l’on veut s’en méfier. Je pense donc qu’il y a quelque chose comme un fond auquel on peut échapper parfois et puis on peut également accueillir et restituer. Pour moi cette identité est multiple. C’est plutôt des lignes de tension, des débats qu’on observe à l’intérieur des œuvres d’art, des débats entre la partie que j’appelle contemporaine de l’art et toutes les ressources du patrimoine que certains apprennent à utiliser mais que d’autres veulent oublier. Ils veulent oublier parce que parfois il y en a qui ne les connaissent pas. Mais en général, le patrimoine est à notre disposition. Certains musées se contentent de le conserver, de la promouvoir. Et le patrimoine, on peut le promouvoir également par l’art contemporain. Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que ce qu’on appelle le contemporain d’aujourd’hui sera l’art traditionnel de demain. Donc on a besoin de continuer de créer. Parce que les artistes sont des personnes à qui la société donne la charge de créer. Tout se passe comme si la société disait : « Ce n’est pas mon problème de créer. Vous en tant qu’artiste étonnez-nous, faites des choses nouvelles. Faites avancer la sensibilité de la société. » Sur ce point de vue, il y a beaucoup d’artistes qui jouent le jeu, qui font des choses très fortes. Je suis très à l’aise pour dire qu’il y a beaucoup d’artistes qui ont tort de croire qu’ils sont des génies, alors qu’ils se débrouillent juste pour tenir la tête de l’eau. Il faut savoir que dans ce domaine comme dans d’autres, on a besoin de beaucoup d’artistes mais tous ceux qui sont appelés ne seront pas élus. C’est le travail qui permet de s’émanciper. Je suis convaincu aujourd’hui que si un artiste en Afrique fait un travail de fond, une recherche originale, il y a vraiment de la place, non seulement au plan africain mais aussi au plan mondial pour les artistes qui sont travailleurs. Vous êtes connu par ailleurs comme ancien commissaire d’exposition à la biennale de l’art africain contemporain (Dak’art). Que pensez-vous de la sélection de l’édition 2010 ? C’est très difficile quand on a été commissaire de juger le travail des autres à chaud. Mais, je pense que c’est une sélection correcte, une bonne sélection d’autant plus que le jury ne s’est pas donné comme recette la facilité. Quand on regarde les œuvres, il faut avoir en esprit que le jury a fait un travail qui peut paraître négatif parce qu’il n’a sélectionné que des œuvres des artistes qui n’ont jamais exposés à la biennale auparavant. Mais c’est une très bonne disposition du moment où ça a ouvert le champ a beaucoup de jeunes artistes qui n’auraient peut-être pas pu être là s’ils avaient été mis en compétition avec ceux qu’on considère maintenant comme les abonnés de la biennale. Ce parti pris, pour moi, est intéressant et sous ce rapport, la sélection qui est proposée, est une sélection qui bénéficie de conditions d’émergence complètement rajeunies. Maintenant, il aurait fallu à certains artistes d’avoir deux ou trois pièces au lieu juste d’un petit tableau parce que ça ne donne pas toujours l’idée de ce qu’ils valent. Mais lorsqu’on regarde dans le détail, on finit par avoir que ceux qui ont été choisis avaient quelque chose à dire. Est-ce que vous n’estimez pas que cette rupture brutale avec l’ancienne procédure va susciter beaucoup de critiques ? Je sais qu’il y en a qui ont déjà commencé par critiquer. Mais, moi, je suis très soucieux du renouvellement des générations. Certes, je respecte beaucoup les aînés parce je suis un élève d’Ahmadou Hampaté Bâ. Je crois en la mémoire mais en même temps en la projection, en la prospective. Le problème des commissariats de la biennale auxquels j’ai été associé, c’est que on n’a justement pas beaucoup de moyens pour faire de la prospective, aller dans les pays voir quelles sont les nouvelles initiatives artistiques. Cela fait qu’on avait l’impression qu’on tournait en rond : on prenait les même puis on recommençait. Je pense que si on n’a pas un souci de renouvellement d’une manifestation comme celle-là, elle perdrait un peu de son sens. D’autant plus que ces personnalités du monde artistique qui ont eu leur reconnaissance grâce à la biennale de Dakar, savent où aller chercher de financement pour exposer tout au moins dans le Off. De ce point de vue, j’encourage le choix. Toutefois, ce qui serait triste, c’est de procéder à toutes les éditions à ce type de choix. La biennale a tendance à donner plus de valeur à la vidéo qu’aux autres formes d’expression artistique avec l’attribution du grand prix depuis plusieurs éditions de suite. N’est-ce pas une tendance à orienter tous les artistes vers le numérique ? Si on considère le nombre d’années pendant lesquelles la vidéo a été primée, cela peut paraître comme si la biennale ne sanctionne que positivement la vidéo. Mais, je pense qu’il y a de bonne et de mauvaise vidéo. Cependant, celle qui a reçu le prix cette année est de la bonne vidéo. N’empêche, le fait qu’il y a eu trop de prix donnés à la vidéo, on devrait procéder de la même manière qu’on a procédé, à un moment, pour les artistes qui ont été trop montrés sur les expositions à la biennale. Tenir compte du fait qu’on a déjà donné trop de prix à la vidéo et encourager d’autres formes d’expression artistique pour leur donner autant de visibilité et non donner l’impression que ce sont des formes d’art décadentes ou dépassés.
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